jeudi 7 janvier 2010

Soit dit en passant




Vivre ou écrire, il faut choisir. Et de quel droit, d’abord, me parler sur ce ton ? Et si je refuse de choisir, moi ? D’ailleurs le choix est déjà fait : vivre, bien sûr. Mais ce choix n’en est pas vraiment un puisqu’il a été fait par madame ma mère et monsieur mon père. Choix dont globalement je les félicite, du reste. Ils étaient en veine, ce jour-là.

Encore pourrait-on arguer qu’ils ne furent que des intermédiaires, et que le risque de la vie, en définitive, c’est la vie elle-même qui l’a pris les yeux fermés ; ses épaules sont si larges, son sein si généreux, rien ne la fera reculer. Quand les erreurs moi, éventuellement sont négligeables, que leur défaut ou leur nullité ne compromet pas le projet d’ensemble, il n’y a pas d’erreur à proprement parler. Et ce projet est si simple que rien ne peut le saper. Je ne voudrais pas trahir un secret, mais le but de la vie est la vie.

Selon l’humeur, selon le temps, on trouvera ça grandiose ou vain. Grandiosement vain. Vainement grandiose. L’homme ne s’en privera pas ; il en fera des livres ; qui lui sembleront, par un curieux effet d’optique, or tout est affaire de regard, plus réels et plus précieux que sa vie elle-même. Aura-t-il vécu ? Le doute est permis. Aura-t-il écrit ? Cela au moins est à peu près sûr. Ses œuvres ne lui survivraient-elles que cinq minutes...

Mais ces phrases tournent autour du pot. La vie, la vie, c’est bien beau, mais ce n’est pas elle qui me pousse à écrire. La vie n’est qu’un sujet (notez que c’est assez, que cela suffit pour une vie, d’observer l'increvable vie, d’autant qu’il n’y a rien d’autre à voir). C’est parce que je vais mourir et peut-être, à l’instant, du ridicule de cet aveu que j’écris.

Et si je me permets de parler pour moi (je m’en prie), c’est parce que je vais mourir sans descendance, ce dont je suis fort aise, que, tout aussi opiniâtre que la vie (à borné, borné et demi), j’ai fait de l’écriture d’une poignée de pages immortelles (en tout cas, sur le papier) le but de mon existence. Pages où, assez hypocritement faisant taire ma rancune, mon angoisse, ma terreur, je célébrerai la vie. Et l’écriture. Qui est une vie comme une autre, après tout. Seulement un peu plus digne peut-être. Avec un fini que la vie n’a pas.


Vivre ou écrire, la question n’a pas de sens, pour qui écrit (ou vit, nous avons vu que c’est la même chose). Bon, j’entends bien, je ne suis pas si bête : la vraie question est : faut-il s’enchaîner à sa table car l’art est long et difficile et devenir une petite chose grise, rabougrie, hirsute, insatisfaite, ou courir, glorieux et nu, sur des plages lointaines, complètement défoncé, en bandant comme un taureau (par exemple). Alors là le choix est facile : devenir une petite chose grise, rabougrie, hirsute, insatisfaite, évidemment.


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