mardi 30 mai 2017

Le dormeur



Je croyais jusqu'à aujourd'hui que la Louma avait été utilisée pour la première fois par Polanski pour le générique du Locataire, mais cet honneur revient à Pascal Aubier, lequel, en 1974, soit deux ans avant la sortie des lamentables aventures de Trelkovski, vouait cette innovation technique à la réalisation d'un chef-d'œuvre, n'ayons pas peur des mots, soit le sublime plan-séquence de 9 minutes que voici : 






Proche de la Nouvelle Vague, le cinéaste, dans un entretien de 2006, revenait sur la genèse de ce film (et c'est riche d'enseignements) : 


J’avais envie d’adapter le poème de Rimbaud depuis longtemps. C’est un poème cinématographique avec un plan large (« un trou de verdure où chante une rivière »), vers lequel on se rapproche (le soldat) pour finir sur un gros plan (« il a deux trous rouges au côté droit »). Je voulais le faire en un seul plan, j’avais aussi l’idée du point de vue d’un oiseau. Comme si la caméra pouvait voler. En cherchant comment faire ce film, dans les années 70, je rencontre Jean-Marie Lavalou qui sortait du service militaire. Il était en train d’essayer de tourner un film dans un sous-marin et mettait la caméra au bout de tubes de chaudière pour pouvoir passer dans des endroits impossibles. Sa réflexion a abouti à la fabrication de la Louma, une caméra au bout d’une grue, que je suis le premier à avoir utilisé pour le tournage du DormeurPour cela, on est allé au milieu des Cévennes, dans un endroit invraisemblable. Il a fallu faire un travelling de 500 mètres dont la réalisation a pris 9 semaines au lieu des 8 jours prévus ! Cette aventure-là n’est pas expérimentale, c’est « l’aventure du cinéma ». L’envie de dire quelque chose et de se donner les moyens de dire cette chose. C’est comme ça qu’on trouve le moyen technique approprié [...]
Quand j’ai voulu faire Le Dormeur en un seul plan, j’avais vu Andreï Roublev de Tarkovski. J’avais en mémoire un plan unique et extraordinaire à travers la forêt qui passait au-dessus d’une rivière, avec un feu dans une clairière, et des femmes nues qui se prêtent à une sorte de cérémonie païenne avant de s’égayer. Je trouvais ça extraordinaire. J’ai finalement pu faire l’équivalent de ce qu’avait fait Tarkovski en me servant de la Louma pour Le Dormeur. Et quand Andrei Tarkovski a vu le film, il a écrit à son propos dans son livre Le Temps scellé : « seul le rythme du mouvement du temps dans le plan organise une dramaturgie qui est suffisamment complexe par elle-même », indiquant ainsi que le film réussissait ce qu’il avait tenté de faire lui-même dans le rapport au temps et à l’espace. Quand je l’ai rencontré quelque temps après, je lui ai dit que j’avais vu dans Andreï Roublev ce plan magnifique qui m’avait précisément inspiré. Il m’a répondu que ce n’était pas un plan, mais, en réalité, 11 plans enfilés les uns dans les autres. Je l’ai vu sur une table de montage, c’était magnifiquement fait, intégré dans un montage qui n’en paraissait pas un. C’est pour cela qu’il était admiratif : j’avais fait un plan qu’il n’avait pas fait. Ce sont les ironies de l’histoire ! Et je suis très content de m’être trompé et de m’être dit « s’il l’a fait, je peux le faire aussi ».



lundi 29 mai 2017

Chanson




Hier après-midi, avec un nouvel appareil photo, de meilleure qualité. (Granados est l'un des personnages de mon nouveau roman, qui devrait, si tout va bien, paraître au printemps prochain ; c'est d'ailleurs dans la lumière de cette bonne nouvelle que je jouais.)



samedi 27 mai 2017

Une voie d'abandon







« Ce n'est pas le rôle de l'artiste de se tourmenter à propos de la vie — d'éprouver la responsabilité de créer un monde nouveau. C'est là une très grave distraction. Le conditionnement tout entier dont vous faites l'objet a été orienté en fonction du mode de vie intellectuel. Ça n'est d'aucune utilité à l'activité artistique. Le savoir humain tout entier n'est d'aucune utilité à l'activité artistique. Concepts, relations, catégories, classifications, déductions sont autant de distractions pour l'esprit que nous souhaitons garder libre pour l'inspiration. 

L'esprit est en deux parties. L'esprit externe qui enregistre les faits et l'esprit interne qui dit "oui" ou "non". Lorsque vous avez la pensée de quelque chose qu'il vous faudrait faire l'esprit interne dit "oui" et vous voilà transporté de joie. On appelle ça l'inspiration. 

Pour un artiste c'est la seule voie. Il n'y a d'aide nulle part ailleurs. Il doit se tenir à l'écoute de son esprit. 

La voie d'un artiste est une voie entièrement à part. C'est une voie d'abandon. Il doit s'abandonner à son esprit. 

Quand vous sondez votre esprit vous le trouvez encombré par une profusion de bêtises. Vous devez vous frayer un chemin à travers elles et parvenir à entendre ce que votre esprit vous dit de faire. L'œuvre qui se réalise ainsi est une œuvre originale. Toute autre œuvre fabriquée avec des idées n'est pas le fruit de l'inspiration et n'est pas une œuvre d'art. 

L'œuvre d'art fait l'objet de réponses heureuses. L'œuvre qui se mêle d'idées se voit répondre par d'autres idées. On trouve un tel amas de littérature à propos de l'art qu'on en arrive à le tenir à tort pour une affaire intellectuelle. 

L'idée est plutôt répandue selon laquelle l'intellect se situe à la base de tout ce qui est produit et fait. Il est commun de croire que tout ce qui existe peut être mis dans les mots. Et pourtant il est un vaste registre de réponse émotionnelle que nous faisons et qui ne tient pas dans les mots. Nous sommes tellement habitués à faire ces réponses émotionnelles qu'elles échappent à notre attention et ce jusqu'au moment où l'œuvre d'art les représente pour nous. » 

Agnes Martin (1912-2004), notes pour une conférence à Pittsburgh, 1989 
(traduction d’Igor Ballereau)



mercredi 24 mai 2017

Amy




Hermit Thrush at Eve, c'est-à-dire "Grive solitaire au soir" — il en existe aussi une au matin, très belle également. Cette pièce d'un inattendu proto-Messiaen américain date de 1921 et on la doit à Amy Beach (1867-1944), prolifique compositrice dont j'ignorais il y a quelques heures encore l'existence. Enfant prodige mais encouragée du bout des lèvres par sa très bostonienne famille, Amy Cheney commence une carrière de pianiste à seize ans qu'interrompt son mariage deux ans plus tard avec le docteur Beach, plus vieux d'un quart de siècle, qui n'aime pas qu'elle se produise en public. Il n'aime pas non plus qu'elle prenne des cours de composition et c'est seule qu'elle apprend pour l'essentiel, dans son Massachusetts, écrivant pour le piano bien sûr mais aussi de la musique de chambre, un concerto, une symphonie, des dizaines de chansons et de chœurs (pour sa paroisse, qui omet la mention de son sexe sur les programmes). Le docteur meurt en 1910 et Amy, qui n'a pas d'enfant, consacre le reste de sa vie à la musique ; sa dernière œuvre, écrite à l'âge de soixante-quinze ans, est une pastorale pour quintette à vents.







vendredi 12 mai 2017

Well, it's done






"Bon, eh bien, c'est fait. Ces tragiques seize pages sont enfin terminées, et j'ai mis de côté trente-deux pages de copeaux, et passé treize jours aussi près de l'enfer qu'on puisse supporter quand on est un être humain. C'est fait, et bien entendu, cela n'en valait pas la peine, et tout le monde s'en fiche." 

(R. L. Stevenson, 1893)


vendredi 5 mai 2017

Deux anagrammes





Flemme. On macère. Emblème : l’anus à cran. 
Emmanuel Macron, ensemble la France

Marine Le Pen, choisir la France
Ni-ni, mec ? Arrache la saloperie FN !