vendredi 19 juin 2009

Le dérangement




« Ma petite Louisa, je mène une vie fantastique. Je ne sors plus jamais, je me lève vers onze heures du soir quand je me lève ; ce qui me console que vous ne soyez pas à Paris c’est que si vous y étiez je ne vous verrais jamais ; toujours à la merci d’une crise imprévue, je n’ose plus donner aucun rendez-vous. Enfin une vie charmante. Mais je travaille [...] Je crois bien que depuis votre départ je suis sorti une fois. Et encore parce que la duchesse de Gramont est morte et que j’ai voulu tâcher d’aller à son enterrement. J’ai eu bien du chagrin de cette mort. Tout ce que je peux répondre aux gens qui me demandent de sortir pour aller les voir c’est que je tâcherai d’aller à leur enterrement. Ainsi ils préfèrent que je sorte le plus tard possible et en fait d’enterrement préfèrent encore que ce soit eux qui aient le dérangement d’aller au mien. »
 

Marcel Proust à Louisa de Mornand, 
le samedi 5 août 1905


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