vendredi 15 novembre 2013

Minuscule entreprise




« […] si un homme aime un métier indépendamment de toute question de réussite ou de célébrité, les dieux lui ont fait signe. Certes, il peut éprouver aussi une vocation générale, un goût pour tous les arts, et je crois que cela arrive souvent — mais la véritable marque de sa vocation est cette laborieuse partialité pour l'un d'eux, cet irrépressible élan vers son accomplissement technique et (peut-être par-dessus tout) cette candeur de l'âme qui lui fait traiter sa minuscule entreprise avec la gravité qui convient au gouvernement d'un empire, comme si la plus légère amélioration méritait d'être accomplie sans mesurer sa peine, et son temps. Le livre, la statue, la sonate doivent être entrepris avec la bonne foi irrationnelle et l'application que mettent les enfants à leurs jeux. Est-ce que cela en vaut la peine ? Quand un artiste en vient à se poser cette question, la réponse implicite est toujours négative. L'idée n'en vient pas à l'enfant, tandis qu'il joue au pirate sur le canapé du salon, pas plus qu'au chasseur poursuivant son gibier, et la sincérité de l'un comme l'ardeur de l'autre doivent s'unir dans l'âme de l'artiste. »

R. L. Stevenson, 
Lettre à un jeune homme qui se propose

d'embrasser la carrière artistique (1888)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire