lundi 21 avril 2008
Die Arbeit der Nacht
Fini fini de lire cet après-midi un roman de la « rentrée » (celle de septembre) : Le travail de la nuit, de Thomas Glavinic (traduit de l’allemand par Bernard Lortholary). Il a 344 fortes pages, je l’avais commencé vendredi soir, c’est dire si c’est un livre prenant. Pourtant le style est sec, bref, presque plat, et l’idée de départ tout le monde l’a eue : un homme se réveille un matin dans un monde débarrassé de toute vie (jusqu’aux fourmis ont disparu). De ce fantasme très commun Glavinic, jeune auteur autrichien (il est né en 1972), donne une version très personnelle, et saisissante. Le pourquoi de cette catastrophe, il s’en fiche et il a bien raison. Jonas, son héros, a beau être obsédé par son enfance, il ne fait pas de ce monde désert un terrain de jeu. Il ne s’y déploie pas ; au contraire, il se replie sur le connu, arpente les lieux de son passé, en reconstitue certains, ne quitte pas ses vieilles nippes, ne vole rien sinon de quoi manger et se filmer, sous tous les angles, en train de dormir. C’est une des très belles idées du roman. Son double nocturne, qu’il appelle « le dormeur », et qui s’avère vite être somnambule, le nargue, lui mets des bâtons dans les roues, s’amuse à lui faire peur (à moins qu’il ne s’emploie à le divertir...) Mais le « travail de la nuit » n’est pas que celui de l’inconscient, de ce démon de la perversité porteur d’antagonisme, d’angoisse, de folie. La « nuit » n’est pas que l’autre nom d’une solitude désespérante, la nuit du « moi » vu comme une geôle sans fenêtre – pas même celle des yeux, auxquels Jonas ne fait pas confiance. Le travail de la nuit consiste surtout à effacer les traces de la veille, et le grand sujet du livre c’est l’irréversibilité du temps, sa marche aveugle, l’oubli avalant tout sur son passage. Glavinic a de belles et fortes pages sur la tristesse de son héros devant l’indifférence des choses, l’idiotie muette du monde face à la dérisoire brièveté des vies humaines. Jonas ne s’y fait pas. Son entêtement, sa révolte sont émouvants. Il est seul avec ses souvenirs et que l’humanité ait pris la fuite n’y change rien, il l’a toujours été.
J’avoue que la toute fin, évocation de l’amour comme ultime-lueur-d’espoir, m’a un peu déçu. L’auteur a craint sans doute de désespérer le lecteur. Tant pis ; c’est quand même un beau livre, plein de courage – il en faut pour parler ainsi, si simplement, de sa hantise du temps qui passe. (Juste une phrase : « Etre vingt-quatre heures par jour soi-même, jamais un autre, c’était dans certains cas une grâce, dans d’autres un verdict. »)
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