À UN
POÈTE MINEUR DE 1899
La
tristesse qui guette à l’heure où le jour fuit
Te
demandait un vers. Tu voulus d’une lente
Ligne
lier ton nom à la date dolente
Où l’or
va se mêlant à l’imprécise nuit.
Dans la
lueur qui se soumet et qui s’échange
De quel
amour tu dus polir l’étrange vers
Qui,
jusqu’à la dispersion de l’univers,
Saurait
seul confirmer l’heure d’azur étrange !
Y
parvins-tu jamais ? De toi, mon vague aîné,
Que
savoir et que dire ? Es-tu mort ? Es-tu né ?
Mais je
veux que l’oubli rende à ma solitude
L’ombre
légère de ta vie, et ton espoir,
Embué
par le mien d’un peu de lassitude,
Qu’en
quelques mots humains puisse tenir le soir.
Jorge Luis Borges
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