Achevé hier le deuxième volume récemment paru des lettres de Samuel Beckett. Vivement le troisième…
"[…] le paysage ne laisse rien à désirer, la nourriture laisse tout à désirer. […] Ai eu des entretiens prolongés avec les Gendarmes du coin, dans leur caserne à 10 km d'ici. Ai raconté mon histoire presque jour après jour depuis que j'ai mis le pied en France. Ils n'arrivent pas à croire que je puisse m'appeler Samuel et ne pas être juif."
[Vaucluse, octobre 1942]
[à Thomas MacGreevy, 4 janvier 1948]
"L'erreur, la faiblesse tout au moins, c'est peut-être de vouloir savoir de quoi on parle. À définir la littérature, à sa satisfaction, même brève, où est le gain, même bref ? De l'armure que tout ça, pour un combat exécrable."
[à Georges Duthuit, 11 août 1948]
"Pardonne-moi maintenant et toujours toutes mes stupidités et blancheurs, je ne suis d'un être qu'une toute petite partie, des vestiges se haïssant, des restes d'une vieille envie, quand j'étais petit, d'arrondissement, même à petit rayon. Ça vous enferme toute la vie. Et on pousse en vain vers l'absence de figure. "
[à Georges Duthuit, 12 août 1948]
[à Georges Duthuit, 2 mars 1949]
"Il s'agit seulement de s'entendre sur le domaine où l'on ne vaut rien. On ne risque guère d'en exagérer l'étendue."
[à Georges Duthuit, printemps 1949]
[à Georges Duthuit, printemps 1950]
"Pour M[ercier] et C[amier] je suis désolé que vous preniez ça au sérieux. Je ne pourrais vraiment pas supporter que ce texte soit divulgué de mon simili-vivant. Il peut toujours avoir sa place, si vous y tenez, dans un volume à intituler Merdes Posthumes, avec tous les faux départs par exemple (pas à confondre avec les textes pour rien) et ceux à venir (j'en ai déjà un autre en bonne voie). L'idée de Watt déjà m'empourpre jusqu'aux os. Si on le réservait aussi pour les M. P. ?"
[à Jérôme Lindon, 20 janvier 1954]
"Si vous avez d'autres questions à me poser comportant des réponses précises, je suis à votre disposition. Mais quant à dire qui je suis, d'où je viens et ce que je fais, tout cela dépasse vraiment ma compétence."
[à un éditeur allemand, 17 février 1954]
"Voilà comment va la vie, avec une grande ingratitude pour cette magnifique chose qu'est le fait de pouvoir se lever et quitter sa place, même si c'est seulement pour faire quelques tristes pas."
[à Pamela Mitchell, 27 août 1954]
"Je suis très touché par son offre [celle du producteur américain de Godot] de payer mes frais de voyage à New York […] Je ne veux pas dire catégoriquement oui ou non maintenant, insuffisamment empalé sur les cornes du vieux dilemme. Je suppose hélas que ce sera non comme d'habitude. Si je devais seulement donner un coup de main au metteur en scène, sans le gêner ni le laisser me gêner, et être exempté d'interviews, de journalistes, de réponses stupides à des questions stupides et autres misères du même genre, alors j'envisagerais très sérieusement d'y aller. Mais il est évident que je ne peux accepter une offre si généreuse pour ne pas faire ce qu'on attend de moi. S'il y a une chose que je suis incapable de faire c'est parler de mon œuvre, ou l'"expliquer", sauf peut-être en buvant la troisième bouteille avec un ami indulgent."
[à Barney Rosset, 12 novembre 1955]
"Peu de chances, je le crains, que j'écrive mes mémoires. J'ai moins de souvenirs que si j'avais six mois."
[à un éditeur anglais, 27 février 1956]
"Ne vous désespérez pas, branchez-vous bien sur le désespoir et chantez-nous ça."
[à Robert Pinget, 8 mars 1956]
"Je me sens vieux comme la Maison Usher. L'électrophone répand son baume. Cette semaine nous écoutons la Dichterliebe et la Winterreise. Voilà ce que sont nos transports."
[à Barney Rosset, 1er août 1956]
"Vivement 57, et 67, et 77, après ça ira, sinon avant. […] Laissez-moi vous souhaiter — en homme bien élevé — beaucoup de bonheur dans cette putain d'année qui vient."
[à Jacoba Van Velde, 27 décembre 1956]
Quel choix judicieux. Certains extraits sont d'une actualité saisissante.
RépondreSupprimerJ'avais acheté le volume I. Un très vieil ami est passé à l'improviste : le livre était était là sur la table, je l'ai offert à mon ami. Mais je vais renouveler mon achat.
À vous aussi, je souhaite "beaucoup de bonheur dans cette putain d'année qui vient."