jeudi 2 avril 2015

Tombeau de Christopher Falzone





Il y a une dizaine de jours, je suis tombé par hasard sur cet article. Le hasard a bon dos : j’en étais venu à le lire à la suite d’un hyperlien thématique, sur le site de France Musique, au-dessous d’un bref article éclairant la mort, parmi les victimes du suicide aéroporté et mégalomane d’Andreas Lubitz, de deux chanteurs lyriques allemands, Maria Radner et Oleg Bryjak. Sous-thème, donc : la mort violente de musiciens, fait pour me fasciner. “Sur le même sujet”, disait un peu légèrement le site, or à la différence de la contralto et du baryton-basse s’en revenant de Barcelone après avoir chanté Siegfried, le pianiste américain Christopher Falzone a choisi, lui, de s’écraser au sol, le 22 octobre dernier, en se jetant du dixième étage d’un hôpital suisse où ses parents l'avaient fait interner, clamait-il, contre sa volonté. Il avait vingt-neuf ans. 

Lorsqu’on tape son nom dans Google, l’article en question est le premier à apparaître. Les autres articles qu’on pourra trouver, en tout cas en français, n’en disent pas plus et souvent moins. C’est peu pour se faire une idée du destin tragique de Christopher Falzone (que je ne peux m'empêcher de lire Christ offert – Fall zone...). Celui qui veut savoir, donc, en sera pour ses frais ; mais celui qui veut voir, en revanche, découvrira en quelques clics cette vidéo, tournée cinq mois avant le drame, le 28 mai 2014, dans un hospice de la Pennsylvanie — dernière fenêtre ouverte sur un futur défenestré.


 


L’amateur de pathos est comblé au-delà de ses désespérances. Tout y est : le jeune génie foudroyé, la Valse de Ravel qui n’est elle-même que l’histoire d’un effondrement, l’apparente indifférence des pensionnaires devant cette effarante virtuosité, l’injustice d’un son médiocre, cette pauvre salle commune au milieu de nulle part, le chapeau gentiment excentrique, le sourire final du pianiste malade après ce qui, pour lui, semble être une promenade de santé

Nous vivons dans un monde où de telles vidéos existent, noyées dans le flux, promises à l’oubli, des morceaux palpitants de drame offerts à qui veut. Le gâchis est documenté. Dix-huit ans plus tôt, la télévision américaine enregistrait la prestation de notre héros sur la scène du Hollywood Bowl ; et nous scrutons ce chérubin, nous qui savons le saut de l’ange.



 




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