"Kate : Maintenant j’ai
une autre raison de détester Noël.
Billy : Pourquoi tu dis ça ?
Kate : La pire chose qui me soit jamais arrivée, c’était à
Noël. Oh, mon dieu. C’était si horrible. C’était la veille de Noël. J’avais
neuf ans. Moi et Maman nous décorions l’arbre, en attendant que Papa rentre du
travail. Des heures ont passé. Papa n’était pas là. Alors Maman a appelé le
bureau. Pas de réponse. Noël est venu et passé, et toujours rien. La police a
lancé une recherche. Quatre ou cinq jours ont passé. Aucune de nous ne pouvait
manger ou dormir. Tout s’effondrait. Il neigeait dehors. La maison était gelée,
alors j’ai essayé d’allumer un feu. C'est à ce moment que j'ai remarqué
l'odeur. Les pompiers sont venus et ont percé la cheminée. Et moi et Maman
attendions qu’ils en sortent un chat mort ou un oiseau. Ils en ont tiré mon
père. Il était vêtu d'un costume de Père Noël. Il était descendu dans la
cheminée... les bras chargés de cadeaux. Il voulait nous faire une surprise. Il
a glissé et s'est brisé le cou. Il est mort sur le coup. Voilà comment j'ai
découvert qu’il n'y avait pas de Père Noël."
"J’ai
toujours considéré le succès phénoménal de Gremlins comme un coup de veine, parce que
personne n’en attendait rien. Le film a failli ne pas se faire, le studio ne l’aimait
pas beaucoup et ne savait pas quoi en faire. C’est le public qui a
littéralement sauvé le film à la preview. Warner Bros n’aimait pas le ton du film. Ils l’ont
montré à San Diego. Je n’ai jamais rien vu de tel. C’était le délire. Les gens
criaient, sifflaient, applaudissaient, parlaient après les scènes. C’était
invraisemblable. D’un seul coup, les dirigeants se sont regardés : “Voyez-vous
ça ! Nous tenons un gros succès. Mais il faut quand même faire quelque chose.
On ne peut pas le laisser s’en sortir comme ça.” Alors, ils ont concentré le
tir sur ce qu’ils détestaient le plus : le récit que fait Phoebe Cates de la
mort de son père, coincé dans la cheminée. J’ai appris plus tard que même après
la sortie, Warner Bros continuait de harceler Spielberg : “Il n’est pas trop
tard... on pourrait faire couper les copies dans les agences régionales.”
Pour
moi, c’est une véritable scène-clé de mon œuvre, si je puis me permettre
d’employer ce mot. Voilà un personnage du film que vous aimez bien, qui,
d’ailleurs, a très peu à faire - à part dire cette tirade. Elle raconte cette
histoire terriblement poignante sur une chose affreuse qui est arrivée à son
père. Le spectacteur est conditionné à l’aimer et à la plaindre. Mais
l’histoire qu’elle raconte est si évidemment ridicule, encore que
vraisemblable, que le spectateur est confronté à deux réactions. Il doit
affronter le fait que c’est une histoire très triste pour elle, et il l’aime,
mais aussi que c’est un truc macabre et ridiculement crétin. C’est absurde. Et il
ne sait pas comment réagir. Rire à cette scène équivaut à rire d’elle. À trahir
un personnage qu’on aime…"
Entretien avec Joe Dante in Joe
Dante et les Gremlins de Hollywood (éd. Cahiers du cinéma, 1999)