lundi 28 septembre 2015

Avec tout mon nez pris




Je suis enrhumé, c’est la cata. La déroute du rhume, si j’ose dire. Ah ah. Googlons ce brillant jeu de mots pour voir. Mmm. C’est bien ce que je pensais, ça se vérifie à chaque fois : 117 personnes l’ont osé avant moi. 
— Mon bon Victor, le calembour est la fiente d’un esprit qui ne vole même pas, il n’a jamais quitté le sol et il s’ébat dans son caca, répliqua-t-il, guère civil (1).

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mardi 22 septembre 2015

Neuvaine


Neuf images du front de mer ce dimanche pour accompagner un extrait de Ttai (1953), la neuvième suite pour piano de Giacinto Scelsi, en l'occurrence le troisième et le plus bref de ses neuf mouvements, joué ici par Steffen Schleiermacher. 







dimanche 20 septembre 2015

Berlinade #6





Je ne connaissais pas Nikolaus depuis une demi-heure qu’il tirait ce volume de sa bibliothèque pour me l’offrir — je pourrais presque dire comme Blanche DuBois que j’ai toujours compté sur la bonté des inconnus, sauf qu’inconnu après un tel cadeau il ne l’était plus, mais mon meilleur ami : tu es venu ici pour lui, m'a-t-il dit, tu l'as bien mérité. Hélas, la langue allemande m’est à peu près impénétrable, ces 1380 pages serrées sont du chinois pour moi. De très rares mots français émergent du mastic, parfois plusieurs à la suite comme cette adresse : À Mon. de Kleist, ci-devant lieutenant au régiment des gardes prussiennes, poste-restante, mais le plus souvent ils sont isolés, perdus dans l’incompréhensible, ici Beauté, là Acharnement, il m’a fallu le scruter longuement pour les repérer. Il y a cependant un mot bien de chez nous que Monsieur de Kleist emploie fréquemment, il conclut les trois quarts de ses lettres et il se passe de commentaires (ou alors il faudrait un roman) : c’est Adieu.



mardi 15 septembre 2015

Ces derniers temps


Le spectacle commence à dix-neuf heures trente, c'est-à-dire en access prime time. Malgré d'importants moyens techniques, de gros efforts chaque soir pour se renouveler, les audiences plafonnent, les revenus publicitaires sont nuls, on pointe du doigt un manque d'interactivité. "C'est un peu la grand-messe", déplore un consultant, "et dramaturgiquement, c'est limité. La nuit gagne toujours à la fin."













mercredi 9 septembre 2015

Berlinade #5





Les collections de la Nationalgalerie commencent fort : la première toile qu’on voit est cette Vague de Courbet, la peinture à l’état pur, on pourrait s’arrêter là. Mais toute cette première salle, ce jour-là peu fréquentée, la foule se concentrait un étage au-dessus pour l’exposition temporaire, vaut le détour : on se tourne et deux autres Courbet vous sautent au visage, un Delacroix, un très beau Diaz de la Peña. L’enthousiasme se dilue à mesure qu’on enfile les pièces, un certain Menzel occupant à lui seul un nombre considérable de mètres carrés, grandes machines historiques habilement faites mais rapidement soûlantes, d’autant plus qu’on n’est pas venu pour ça. 

On sait qu’elle est là. La troisième version de 1883. Celle qui a appartenu à Hitler, hélas ; elle se passerait bien de ce maléfice, elle en est un à elle toute seule. Une volée de marches mène à la petite salle où elle rayonne, à la place d’honneur. Elle n’est ni plus petite ni plus grande qu’on l’imaginait. Tout en elle est placé sous le signe de l’évidence. On l’a connue avant de la voir. C’est L’île des morts. Il n’est plus question de peinture, ou alors comme une chose mentale, Vinci n’avait pas tort. Magique aussi bien. L’éclat de sa présence est indescriptible (le .jpg qui suit n’est qu’une vague allusion). 





Le troisième étage, lui, dévolu aux classiques, est complètement vide. Le gardien ne prend même pas la peine de scanner mon ticket et me remercie d’un sourire d’avoir pris celle de venir là. Il faut dire qu’une accablante majorité des toiles y exposées n’a aucun intérêt : peinture académique, mignonne, engluée dans le lieu commun romantique (si atteint que je sois, je suis lucide), une réserve de matte paintings pour de lénifiants Walt Disney. Caspar David Friedrich est l’exception miraculeuse : c’est sans doute la même esthétique, mais équilibrée par le vide : ses paysages sont trop abstraits pour accueillir des petits lapins, ils prendraient froid. Une toile en particulier me fascine, Zwei Männer am Meer, Deux hommes à la mer. Elle date de 1817. Kleist était mort depuis six ans, mais c’est lui que je vois tout de suite dans le plus petit des deux hommes, celui de gauche. Je sais déjà que tout à l’heure, dans la boutique du musée, j’en achèterai le poster, il me le faut, cette image résume tellement bien le roman que j’essaye d’écrire. Mon tout premier poster, d’ailleurs. Au retour, je l’ai encadré, et il trône désormais au-dessus du piano — incorrigible, sous son Plexiglas bon marché. 






vendredi 4 septembre 2015

Berlinade #4




De ma première semaine à Berlin, je ne peux montrer aucune image : j’ai perdu la carte-mémoire — probablement tombée de mon sac sur l’avenue du 17 juin, sans faire de bruit, ces choses-là hélas ne pèsent rien. Elle était pourtant pleine. À cause de mon étourderie, vous ne verrez pas la tombe de Kleist, prétexte officiel du voyage — j’avais filmé caméra à l’épaule, pour ainsi dire, le chemin solitaire qui y mène, les frondaisons du grand chêne qui l’ombrage, les rameurs sur le lac à deux pas, un vrai tire-larmes — ni la traversée du Wannsee, miroitant sous un franc soleil, ni le couchant sur son rivage. Vous ne verrez pas davantage la Spree depuis un pédalo (j’imagine que le pédalo n’est réellement amusant que la première fois, ça tombait bien : je n’avais encore jamais fait de pédalo), ni un déjeuner sur ses berges. Je ne peux que vous parler, et vous n’êtes pas obligé de me croire, des eaux miraculeusement pures du lac de Lipnietzsee, à vingt minutes au nord de la ville, où je me suis baigné avec délice, approchant comme en rêve d’une île verte centrale. Du petit rat en bronze, sur un pont, censé enrichir qui le touche, et que tous les passants masturbent au point qu’il est jaune et luisant. D’un autre crépuscule vu depuis le toit d’un immeuble au fin fond de l’Oranienstrasse. D’une promenade au parc de Treptow. De reflets sans nombre. De l’enfant que presse à jamais contre son poitrail de deux mètres l’écrasant Soldat-libérateur de l’imposant Mémorial soviétique. De différents travellings de métro aérien jouant à cache-cache avec le fleuve et ses méandres (cela, c’était avant que nous laissions tomber le métro, qui coûte une blinde). De l’ivresse qu’il y a à filer comme le vent, sur un bon vélo et une avenue sans fin, parfaitement rectiligne et plate, la nuit, dans une ville inconnue, sur une royale piste cyclable tenant en respect des bolides qui, ô merveille, ne vous font même pas peur, et sous un crachin bienvenu après une journée de chaleur. 

Mais de cela, de toute façon, je n’avais pas d’image — les plus beaux des souvenirs manquent de photogénie. Heureusement, je n’étais pas seul.




(photo : Constance Zahn)



jeudi 3 septembre 2015

Berlinade #3





Cieux allemands larghetto, lune niçoise en coda. Musique d'E.T.A Hoffmann, cela va de soi (un court extrait de son Miserere). 



mardi 1 septembre 2015

Berlinade #2



Berliner Bestiarium 

Des corbeaux (il y en a partout, comme à Tokyo), un cygne (sur la Spree), des guêpes (une infinité, avec laquelle il a fallu partager ses frühstücke (de bon cœur, ils sont trop copieux)), un héron (solitaire), un écureuil (dans le Tiergarten), des libellules, des moineaux, une souris. On a vu sans les filmer pas mal de cormorans ; on oublie des pigeons, on suppute des renards, on craint des sangliers. Berlin est une grande ville — colossalement — mais qui respire ; à en croire les menus, on y est volontiers végétarien (et même vegan, ce qui sonne martien (on a goûté, c'est pas mauvais)) ; il doit y avoir un lien, bien qu'à la réflexion on trouve à chaque coin de rue des saucisses au curry.