samedi 26 avril 2014

vendredi 25 avril 2014

Une preuve de leur existence


« Elle habitait à l’étage au-dessus. À sa porte, un petit carton blanc où était écrit à l’encre rouge son prénom : Kim. Elle avait à peu près le même âge que nous. Elle jouait dans une pièce et elle m’avait dit qu’elle avait toujours peur d’arriver en retard, après le lever du rideau. Elle nous avait offert des places, à Dannie et à moi, et nous étions allés dans un théâtre des boulevards qui n’existe plus aujourd’hui. Un taxi l’attendait chaque soir de la semaine — sauf le lundi — à huit heures précises, et le dimanche à deux heures de l’après-midi, devant le 28 de la rue de l’Aude. Par la fenêtre, je la voyais monter dans le taxi, vêtue d’une canadienne, et claquer la portière. C’était en janvier, il avait fait très froid, puis une couche de neige avait recouvert la rue, et pendant quelques jours nous étions loin de Paris, dans un village de montagne. Je ne me souviens plus du titre de la pièce ni de l’intrigue. Elle montait sur scène après l’entracte. J’avais noté sur mon carnet noir l’une des phrases de son rôle, et l’heure exacte : vingt et une heures quarante-cinq minutes à laquelle tombait cette réplique. Si l’on m’avait demandé pourquoi, je ne crois pas que j’aurais pu répondre d’une manière précise. Mais aujourd’hui je comprends mieux : j’avais besoin de points de repère, de noms de stations de métro, de numéros d’immeubles, de pedigrees de chiens, comme si je craignais que d’un instant à l’autre les gens ou les choses ne se dérobent ou disparaissent et qu’il fallait au moins garder une preuve de leur existence.
 
Chaque soir, je savais qu’aux environs de vingt et une heures quarante-cinq minutes, elle dirait, sur la scène, face au public :
“Nous aurons été pour si peu de chose dans sa vie…”

Et de l’écrire aujourd’hui, un demi-siècle plus tard — ou même après un siècle, je ne sais plus compter les années —, j’oublie un instant ce sentiment de vide que j’éprouve. Taxi qui attendait à huit heures du soir, peur d’arriver après le lever du rideau, canadienne à cause de l’hiver et de la neige, gestes qui étaient quotidiens et qui sont abolis, pièce de théâtre que personne ne verra plus jamais, rires et applaudissement perdus, théâtre lui-même que l’on a détruit… Nous aurons été pour si peu de chose dans sa vie… » 

Patrick Modiano, L’Herbe des nuits (2012)



lundi 21 avril 2014

La réalité est tout autre




"On a beaucoup vanté ce genre d’occupation. Une vieille tradition poétique veut que les bergers vivent allongés sous des ormeaux en jouant du flageolet ou de la cornemuse et en se grisant de laitages fermentés ; moyennant quoi ils vivent jusqu’à cent ans parce qu’ils ne mangent que du yaourt, qui fait les centenaires bulgares. La réalité est tout autre. L’élévage du mouton est un travail pénible qui réserve mille déceptions." 

Alexandre Vialatte, Chronique des villes et des grandes cités

samedi 19 avril 2014

Avec le plus vif enthousiasme


« Quelques milles plus loin, nous avons jeté l’encre devant un village plus grand, sis à peu près à mi-chemin entre les extrémités est et ouest de l’île, que je suis allé visiter en compagnie de Mr. Nelson, du capitaine et du chirurgien. Nous avons découvert, tout près de la plage, douze huttes abandonnées avec quelques deux cents squelettes à l’intérieur ou éparpillés parmi les rochers et les tas de détritus, à quelques mètres des portes d’entrée. Le spectacle était effroyable, quoique planté dans un pays purifié par le gel comme il le serait par le feu. Des mouettes, des pluviers, des canards volaient et nageaient alentour, menant heureusement leur vie ; la pure eau salée de la mer se jetait en écume blanche contre le rivage ; en arrière la toundra en fleurs courait jusqu’aux volcans vêtus de neige et le grand ciel d’azur s’incurvait tendrement sur l’ensemble — une nature d’une fraîcheur, d’une douceur intenses, alors que le village croupissait dans la mort la plus infecte et la plus révoltante. Des corps ratatinés dans leurs fourrures en décomposition ou des squelettes blanchis, impeccablement nettoyés par les corbeaux, gisaient mêlés aux déchets de cuisine, là même où leurs proches les avaient jetés tant qu’ils avaient encore assez de force pour les porter. 

À l’intérieur des huttes, nous avons trouvé dans leur lit ceux qui étaient morts les derniers, couchés régulièrement côte à côte sous leurs peaux de rennes en décomposition. On pouvait voir ici ou là un crâne grimaçant et dans un coin un entassement de squelettes, déposés là sans doute alors que personne n’avait plus la force de les porter à l’extérieur par l’étroit corridor souterrain. Il en a été trouvé trente dans la même maison, la moitié empilés dans un recoin comme bois à brûler, l’autre moitié au lit, qui donnaient l’impression d’avoir franchi le pas dans une tranquille apathie. Ces gens, à l’évidence, ne souffraient pas du froid, si rigoureux que fût l’hiver, car il y avait dans certaines de ces huttes des piles de peaux de rennes qui n’avaient pas servi. Bien que les survivants et leurs voisins disent tous que la famine a été la seule cause de leur décès, ils n’ont pas plus lutté contre la faim jusqu’à la mort, puisqu’on a trouvé dans les huttes d’énormes quantités de peaux brutes de morse et de cuirs d’autres animaux qui leur auraient permis de subsister encore une semaine ou deux. 


Tous les faits tendent à montrer que, quelle qu’en ait été la cause, l’hiver de 1878-79 a été une saison de grande disette, et comme ces gens ne font jamais de réserves importantes de nourriture d’une saison sur l’autre, ils ont commencé à mourir. Les premiers à périr ont été transportés des huttes jusqu’au terrain ordinairement réservé aux morts, à environ un demi-mille du village. Puis comme les survivants devenaient de plus en plus faibles, ils les ont emportés à une courte distance et n’ont pris la peine ni d’indiquer leur position sociale ni de placer à côté d’eux leurs objets personnels, comme ils le font habituellement. Finalement, les corps ont été simplement tirés à la porte des huttes ou poussés dans un coin ; en désespoir de cause, les derniers survivants se sont couchés, sans même tenter de prolonger leur misérable vie en mangeant les derniers restes de peau. 

Mr. Nelson est entré dans ce Golgotha avec le plus vif enthousiasme, recueillant la blanche moisson des crânes dispersés devant lui et les amoncelant comme un gamin qui récolterait des courges. » 

John Muir, Journal de voyage dans l’Arctique (1881)

dessins de John Muir



jeudi 17 avril 2014

In der Kammer




Hindemith/Trakl, Stille schafft sie in der Kammer (Die junge Magde op. 23b)
Ensemble Villa Musica



mercredi 9 avril 2014

Pénibles fautes de goût


« Je regardais tout, frappé de stupeur, comme qui vient d’arriver d’un autre monde. On qualifie Bonaventure de nécropole, de ville des morts, mais ses quelques tombes sont impuissantes parmi tant de vie et aussi intense. Le gazouillement des eaux vives, les chants d’oiseaux, la joyeuse assurance des fleurs, la tranquille, l’imperturbable majesté des chênes, font de ce cimetière l’un des séjours de vie et de lumière préférés du Seigneur. 

Il n’est pas de sujet sur lequel nos idées soient plus biscornues et plus pitoyables que sur la mort. Au lieu de l’harmonie, de l’union fraternelle entre la vie et la mort, si patente dans la Nature, on nous apprend que la mort est un accident, le déplorable châtiment du péché le plus archaïque, le plus grand ennemi de la vie, etc. C’est en ville que les enfants sont surtout imprégnés de cette orthodoxie, car les beautés naturelles de la mort y sont rarement perçues et rarement enseignées.

Considérant la mort dans notre propre espèce, même si l’on se cantonne aux morts sereines, pour ne rien dire des milles manières d’assassiner, nos meilleurs souvenirs suscitent pleurs et gémissements mêlés d’exultation morbide ; voici les compagnies de pompes funèbres, noires de vêture et noires de mine, et voici pour finir l’enterrement d’une boîte noire dans un lieu de mauvais augure, hanté par toutes sortes de fantômes et d’ombres imaginaires. C’est de la sorte que la mort devient terrifiante, et on ne peut rien entendre de plus sensationnel ni de plus saisissant autour d’un lit de mort que : “Je n’ai pas peur de mourir.”

Laissez au contraire les enfants cheminer avec la Nature, laissez-les voir les beaux mélanges et les belles relations qu’entretiennent la mort et la vie, leur unité aussi joyeuse qu’indissociable telle qu’elle est enseignée dans les bois et les prés, les montagnes, les plaines et les cours d’eau de notre planète bénie ; laissez-les et ils apprendront que la mort n’a, bien sûr, pas d’aiguillon, qu’elle est aussi belle que la vie, et que la tombe ne saurait avoir de victoire puisqu’elle ne combat jamais. Tout n’est que divine harmonie.


Pour la plupart, les quelques tombes de Bonaventure sont plantées de fleurs. Il y a généralement à la tête, près du marbre strictement dressé, un magnolia, un rosier ou deux, et aux bouts ou sur les côtés quelques violettes ou quelques plantes exotiques de couleur vive. Le tout est entouré d’une grille de fer noire, composée de barreaux rigides, qui auraient pu servir de lances ou de massues sur le champ de bataille de Pandémonium.

C’est une chose intéressante à observer que la ténacité avec laquelle la Nature cherche à remédier à ces pénibles fautes de goût. Elle corrode le fer et le marbre, et égalise peu à peu les tumulus régulièrement érigés sur les tombes comme s’il n’y avait jamais assez de terre pour peser sur le mort. Les longues herbes courbes viennent s’installer une à une ; silencieuses comme le destin, les graines se laissent porter par leurs ailes duveteuses pour changer les débris de l’art contre la plus chère beauté de la vie ; et des membres puissants et toujours verts, drapés de fougères et de tillandsias, se tendent au-dessus. Partout la vie à l’œuvre, effaçant toute trace du désordre généré par l’homme. » 

John Muir, Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique profonde
(A Thousand-Mile Walk to the Gulf, 1867-1869)



dimanche 6 avril 2014

Cauchemars d'hier et d'aujourd'hui



À vrai dire, le peintre Horn n’est pas homosexuel ; il se fait passer pour tel afin d'endormir les soupçons du riche critique d’art Kretchmar, dont il culbute la maîtresse, Magda, adolescente des bas quartiers qui se rêve starlette et pour qui Kretchmar rendu fou d’amour a quitté femme, enfant, réputation, tranquillité. Chambre obscure met en en scène ce trio vraiment infernal avec une communicative jubilation dans la cruauté. Au milieu du livre, Nabokov brosse ce portrait moral de Horn : 

Il n’y avait de sincère en lui que l’inconsciente conviction que tout ce que créaient les hommes, en fait d’art et de science, n’était que tours de prestidigitateur plus ou moins adroit, délicieux charlatanisme. Si grave que fût le sujet dont on s’entretenait, il était également capable d’énoncer des pensées subtiles, triviales ou comiques selon son interlocuteur. Quand il parlait tout à fait sérieusement d’un livre ou d’un tableau, il éprouvait le sentiment agréable de participer à une conjuration, d’être le complice d’un farceur génial, l’auteur ou le peintre. Aussi, tout en observant avidement les souffrances de Kretchmar […], en le voyant persuadé qu’il était parvenu aux sommets de la souffrance humaine, Horn songeait avec plaisir que c’était loin d’être tout, oh ! bien loin : ce n’était que le premier numéro du programme d’un excellent music-hall où lui, Horn, disposait d’une place dans la loge directoriale. Quant au directeur lui-même, ce n’était ni Dieu ni le diable. Le premier était trop vieux, trop vénérable et ne comprenait rien à l’art nouveau ; le démon, lui, engraissé des crimes d’autrui, était insupportablement ennuyeux, comme le suprême bâillement d’agonie d’un criminel stupide, assassin d’un usurier. Ce directeur qui offrait sa loge à Horn était un être insaisissable, double, triple, qui se reflétait en lui-même, comme un fantôme chatoyant et magique, l’ombre de ballons multicolores, l’ombre d’un jongleur sur un mur éclairé. Telle était du moins l’idée qu’il s’en faisait en ses rares minutes de réflexions philosophiques. 

Virtuose, horriblement méchant, ce vaudeville cynique qu’est Chambre obscure fut rédigé en russe par Nabokov qui, quelques années plus tard, le réécrira en anglais ; on me souffle (merci Jean !) que cette seconde version, titrée Rire dans la nuit, est moins bonne. Il faudrait aller voir mais en tout cas je vous recommande chaudement ce premier jet d’acide, si vous aimez rire jaune. À propos de descente aux enfers toujours, je vous recommande aussi, dans un tout autre genre, le nouveau livre d’Antoine Brea, Roman dormant, que Le Quartanier éditeur vient tout juste d’imprimer au Québec. Un roman, vraiment ? Vénéneux bouquet de courtes proses, plutôt, et pourtant c’est sous le charme puissant de la fiction que nous place son bref prologue, vieux truc de romancier censé justifier l’existence d’un texte impossible : ce qu’on va lire nous est présenté comme ayant été dicté, onze jours durant en l’an 2009, par l’apparition de l’imam et onirocrite — c’est-à-dire versé dans l’interprétation des rêves — Muhammad Ibn Sîrin dit Abû Bakr (654-728), qui a réellement existé, à un vieux boucher de Belleville “malade du cœur mais sain d’esprit”. 

Roman dormant est le nom du livre, me dit-il, car il est d’or mais par endroits il ment. 


Parodie archaïsante de texte mystique où passeraient les fantômes plus modernes de Lautréamont et de Raymond Roussel, très sérieux jeu de mots, Roman dormant comme les enfers qu’il sonde volontiers souffle inextricablement le chaud et le froid (sans être jamais tiède !) mais aussi le vrai et faux, le sublime et le trivial, l’émotion et la blague, et offrira au lecteur hardi les délices de l’indécidable — comme les rêves, en somme : c’est ce qui s’appelle faire corps avec son sujet. Pour le dire en un mot, c’est de la poésie, et de la bonne. 

Omar Ibn Suhaïl al-Sa’adi a dit : Je vis en rêve le garçon de bain qu’on appelait Abdul-Aziz Ibn Sulaymane al‘Abed du temps où il vivait. Où il se glissait nu dans les vasques d’eau chaude pour nous frotter le dos. À présent je le revoyais habillé avec goût et j’admirais ses mamelons pointant sous le vêtement. À présent son port était celui d’une bahlula à qui s’offrent les cœurs de ses fidèles pour qu’elle les comprime dans ses cuisses. La vue d’Abdul-Aziz m’était un ravissement nonobstant ses grands pieds et les bulbes de barbe qui lui verdissaient le menton. Qui lui piquetaient le maquillage ceci malgré les cires et les rasements. D’un frémissement d’éventail Abdul-Aziz époussetait ses beaux yeux collés par des paquets de khôl. D’un froufroutement de mouchoir il se rafraîchissait la sueur qui lui inondait les aisselles. Je lui dis : Ô mon ami dis-moi comment te trouves-tu loin de moi ? Comment se passent les choses là-bas ? Sa réponse fut la suivante : Ami comme tu vois d’où je viens il fait chaud. Sa réponse fut la suivante : Quant à la mort elle me cuit. Sa réponse glissa d’entre ses lèvres comme une anguille chaude crachée par le démon de ses muqueuses. En vérité dit-il je ne puis te représenter la chaleur qui nous afflige moi et les miens. Je ne puis te dire la mort qui nous rouille aux genoux de ses douleurs. Heureusement dans sa miséricorde Lalla Mimouna la sainte nous déguise parfois la nuit. Elle nous entend pleurer et nous fait monter en visite chez vous les vifs. Elle nous alloue sa protection et déguise à vos yeux nos immondices. Et par la grâce de Lalla Mimouna la sainte c’est moi Abdul-Aziz le garçon de bain du hammam qui t’apparais ici sous les dehors d’une princesse. La putréfaction me dépouilla le sourire et les épaules mais mon malheur n’atteint pas à tes yeux car il est voilé des autours dont ton désir me mouille. Omar Ibn Suhaïl al-Sa’adi a dit : Je questionnai en rêve le démon-fille aux lèvres d’anguille et sa réponse fut la mort. Et sa réponse fut légère. Il était habillé d’un vêtement de fille et rendu gracieux sous la mort. Sous un diadème-voilette s’effaraient ses longs cils bien que son cœur fût dépouillé. Sa réponse me vint de sous la terre où il est nu parmi les ombres.



samedi 5 avril 2014

Affaire de goût






— C’est un catalogue ? demanda Horn. Puis-je voir ? Ah ! Rien que des femmes, des femmes, murmura-t-il avec une sorte de dégoût affecté en parcourant les reproductions. On ne voit pas du tout de jeunes garçons.
 — Mais qu’est-ce que ça peut vous faire ? demanda Kretchmar avec malice.
 Horn s’expliqua avec simplicité.
 “Ah ! ça, c’est une affaire de goût, dit l’autre, et il continua faisant parade d’idées larges. D’ailleurs, je ne vous condamne pas, vous savez, ça se rencontre fréquemment chez les artistes. J’en aurais été choqué chez un fonctionnaire, un épicier, mais un peintre, un musicien, c’est différent. Je vous dirai pourtant une chose, vous perdez beaucoup.
 — Merci bien, pour moi la femme n’est qu’un gentil mammifère. Non, non, excusez…” 

Vladimir Nabokov, Chambre obscure (1932)



mercredi 2 avril 2014

Un exemple frappant



« Mon cher fils,

Tu m’écris que tu peins une madone et que tes sentiments, dans l’accomplissement de cette œuvre, te paraissent si impurs et si charnels qu’avant de prendre le pinceau tu voudrais chaque fois recevoir la communion pour les sanctifier. Laisse ton vieux père te dire qu’il s’agit là d’un faux mouvement d’enthousiasme qui te vient de l’école où tu as été formé et qui te colle à la peau, et que, d’après les indications de nos vénérables maîtres anciens, il n’y a rien à redire contre une envie commune mais néanmoins honnête d’exprimer ses idées en les portant sur la toile. Le monde est une institution bien étrange, et les effets les plus divins, mon cher fils, surgissent des causes les plus basses et les plus insignifiantes. L’être humain, pour te citer un exemple frappant, il est assurément une créature sublime ; et pourtant, à l’instant où on le conçoit, il n’est pas nécessaire d’y réfléchir avec une grande dévotion. Oui, celui qui commencerait à communier avant de se mettre au travail dans le seul but d’établir dans le monde sensible la conception qu’il en a produirait immanquablement un être misérable et fragile ; par contre celui qui, par une belle nuit d’été, embrasse une jeune fille sans se poser plus de questions, engendrera sans l’ombre d’un doute un petit garçon qui, plus tard, gambadera avec vigueur entre terre et ciel et donnera bien du fil à retordre aux philosophes. Et là-dessus, adieu. » 

Kleist, Lettre d’un peintre à son fils, in Petits écrits