samedi 2 avril 2011

Le langage même de nos pensées




« Aucun endroit ne vit clairement dans l’imagination qu’on ne l’ait d’abord quitté. La teneur de notre expérience, chaque jour se fondant dans une autre, alors s’unifie en une seule image. D’innombrables couchers de soleil, d’innombrables aurores, d’innombrables promenades sous les étoiles, nous extrayons un tertium quid, une essence magnifiée, le miel du miel, la crème de la crème, paysage classique qui, artificiellement composé, est autrement plus vivant, séduisant et vraisemblable que la scène qu’il reproduit : il en exprime la quintessence. Le coup d’œil unique est certes parfois mémorable ; c’est lui qui, plus tard, nous donnera les contours de notre représentation imaginaire. Mais l’œil jamais ne saura d’un coup embrasser la totalité d’un panorama. Pas plus que la pointe sèche du graveur, il ne peut aller en effet au-delà de la nature. La littérature, elle, parce qu’elle est le langage même de nos pensées, doit d’abord être travaillée par le temps. »
 

Robert Louis Stevenson [1879]



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