jeudi 30 avril 2015

Liés dans l'hiver et le feu


Je ne sais pas au juste quand l'homme a commencé à désespérer ni où il se trouve sur cette voie de la désespérance, mais je sais qu'il a bien commencé à désespérer. Je l'ai vu l'autre jour dans l'œil d'un homme à la gare de Dijon. 





[…] 

L'espoir et l'estomac sont les personnages principaux. Ils sont liés dans l'hiver et le feu. Chacun le sait. Quand nous remplissons le caddie, Peggy, Alan et moi, nous sentons l'opulence agir dans nos veines comme n'importe quel Temesta. C'est que l'homme doit encore avoir une crainte de qualité préhistorique dans les gènes. Depuis toujours il redoute de manquer. Les rayons surgelés en particulier nous le rappellent avec leurs animaux pétrifiés par le gel. Comme si à l'image de ces cadavres de bêtes conservés par le froid correspondait une autre image, une persistance rétinienne fossile et que nous assistions sans comprendre à leur superposition. Je vois les enfants des autres familles qui courent dans les allées carrelées en glapissant et je me sens perdu dans le cosmos et je ne suis pas certain d'aimer ça. 

Bertrand Belin, Requin (P.O.L, 2015), chapitre 10



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