jeudi 7 août 2008

Toute la lyre




Il y a longtemps de cela, Michael von Biel a étudié avec moi ; je lui ait dit : “Bon, travaillons ensemble.” Je travaillais alors sur une pièce pour deux pianos et je pensais que cela pouvait l’intéresser ; il était déjà un jeune compositeur raffiné, aussi lui ai-je dit : “Travaillons sur des oeuvres pour deux pianos.” Donc, à la première leçon, il arrive avec de la musique écrite entièrement dans le registre moyen. Je lui dis : “Michael, quoi que tu fasses, si tu écris toujours dans le médium, ça va sonner comme un choral. Quoi que tu écrives.” La semaine suivante, il revient avec des choses dans les médium mais aussi beaucoup dans le grave. Alors je lui dis : “Michael, fais attention avec le grave, c’est lugubre. Fais attention avec le grave.” A la troisième leçon, il vient avec beaucoup de choses dans l’aigu. Je lui dis : “Michael, sois prudent avec les notes aiguës. Cela donne une affectation très XXe siècle.” Il devient furieux, hystérique. “Pas de notes graves”, dit-il, “pas de notes dans le médium, pas de notes aiguës ! Quelle sorte de notes alors ?” Je l’attrape par la cravate - c’était l’époque où les jeunes gens portaient des cravates - et je lui dis : “Michael, aigu, médium, grave, alles zusammen.” Il n’a pas eu besoin d’autres leçons ; il avait compris le message : “Alles zusammen, Michael !” 

Morton Feldman, Conférence de Francfort (1984)


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