« La nuit est venue. On va voir dans un petit ciné Le Procès d'Orson Welles.
On s'endort pendant la projection, du moins, moi, mais Anne elle prétend
qu'elle a tout regardé et tout compris.
― La société, elle
dit, la société, c'est la société, l'image de la société.
― C'est pas vrai,
c'est l'histoire d'un ringard, je contre-attaque. C'est un film contre les
ringards, mais c'est mal fait.
― La société, elle
commence à nouveau, tout de suite je coupe, ça va pas recommencer.
Anthony
Perkins, dans n'importe quelle société, il serait mal parti.
― Non, non, dit Anne. Le film symbolise
notre univers d'oppression.
On n'en sort pas. On rentre dans un bar, sur le chemin du
retour. On cause encore passablement, jusqu'à l'heure de la fermeture. On parle
de l'art, toutes ces choses. L'art, Anne, elle est pour.
― Ça existe plus,
je fais valoir.
Elle se lance dans une grande harangue sur la nécessité que
la culture soit vivante ou je ne sais quoi.
― Elle est morte !
je fais.
― Elle vit de la
vie de ceux qui la font chaque jour renaître.
― C'est bien ce que
je dis. »
Jean-Patrick Manchette, L'Affaire N'Gustro (1969)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire