samedi 21 août 2010

Un réflexe de bonne santé


Françoise Hardy est une pleurnicheuse, mais Tchekhov est un petit con, il prétend qu'il écrit ses nouvelles dans sa baignoire ; parce qu'il n'a pas le temps autrement, les pieds croisés sur le rebord, fumerait presque le cigare de l'autre main. Il me fait endurer mille martyres, mais il a un moral d'acier. Il est toujours sincèrement surpris quand une connaissance se plaint auprès de lui de la tristesse de ses récits, il rétorque qu'il était tellement joyeux quand il les écrivait, il ne comprend pas ce qui s'est passé. 

Hervé Guibert, L'Incognito (1989), p. 63-64


...passage auquel répond dans un aveu, à la toute fin de ce roman souvent hilarant qui s'appuie, en un jeu de massacre, sur l'expérience de l'auteur à la Villa Médicis, cet autre passage, p. 222 : 

C'est par ce que je suis désemparé que je m'essaye à des récits cocasses, je suis l'anti-Tchekhov. Daniel, un ami spécialiste, m'a dit qu'on fait dormir les malades du sida dans des draps de papier […] Aucun ne cherche à se suicider. "Le suicide, m'a dit Daniel, est un réflexe de bonne santé." 

L'Incognito était peut-être un livre suicidaire. Vingt ans plus tard, ce qui frappe, c'est justement sa vitalité.




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