Abbas Kiarostami, Avec le vent (P.O.L, 2002) [sélection]
traduit du persan par Nahal Tajadod et Jean-Claude Carrière
Elle est éclose
elle s’est épanouie
elle s’est fanée
elle s’est défaite
pas un seul regard ne l’a vue
Aucune main au monde
ne peut rien
lorsque le ciel
a choisi la pluie
Une petite mouche
prise d’une envie de vomir
à l’odeur de l’insecticide
y a-t-il quelqu’un pour la secourir
Deux nonnes
boudeuses
se croisent
parmi les peupliers
Les aigrettes du pissenlit, de loin,
vinrent à la rencontre de l’étang
aucun ricochet
La discussion des nonnes
n’arrive nulle part
arrive enfin
le moment de dormir
Le fruit de deux journées
de travail de l’araignée
détruit
par le balai du vieux serviteur
Dans un temple qui date
de mille trois cents ans
il est
sept heures moins sept
Les nonnes finalement
restent en désaccord
sur la couleur de la salle à manger
Quand j’y pense
je ne comprends pas
la blancheur de la neige
Quand j’y pense
je ne comprends pas
pourquoi cet ordre
et cette majesté de l’araignée
Personne ne sait
qu’un petit ruisseau
né d’une source faible
a la mer comme but
Six chaises en bambou
se rappellent
la dernière tempête d’automne
dans la forêt de bambous
À peine trois gouttes de sang
fruit du travail de nuit de trois cents moustiques
dans une chaude nuit d’été
Les chants dans la rizière
joyeux et tristes
pour tous la même
mélodie
La luciole
éclaire sans regret
dans une nuit sans lune
Je ne crois en rien
autant
qu’à la fin de la nuit
et à celle du jour
Les larmes ne me laissent pas de répit
quand
il n’y a pas de quoi pleurer
Une araignée
a trouvé sa place
au coin de mon lit
depuis longtemps
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire