mercredi 9 septembre 2009
Bien se porter et voir la bête
« Les propriétaires de cet immeuble, absents presque toute l’année, avaient nom M. et Mme Dulys. Ils étaient millionnaires et fort âgés. Lui, portait l’impériale, avait un nez bossu, fumait la pipe près de son chien blanc que le foyer rendait rose. Elle, était d’une telle ladrerie qu’elle n’admettait point que l’on se servît de papier chez elle pour ce que je ne veux pas dire, dans la crainte d’avoir à faire vider sa fosse trop souvent. Elle correspondait à l’aide d’enveloppes timbrées, portant une adresse, mais ne contenant aucune lettre, pour en économiser la feuille. On reconnaîtra mon écriture, disait-elle, on saura ainsi que je me porte bien. Enfin, elle obligea son pauvre mari à manger un pingouin, qu’elle avait acquis d’un paysan pour la somme de cinquante centimes, au cours d’un rude hiver. On me demandera comment un paysan a pu tuer un pingouin manchot, d’un coup de pierre, sur le bord du gave d’Orthez. Je n’en sais rien, mais j’ai vu la bête. »
Francis Jammes, L’amour, les muses et la chasse
(Mémoires II, 1922)
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