« J'ai
au fond de mon âme un monde ; mais c'est comme s'il était en ruines et démoli,
parce qu'il est tombé de haut. »
H. H. Jahnn, Ugrino et Ingrabanie (1917), incipit
« Ce qui est remarquable et important dans ces récits, c’est que Jahnn n’éprouve pas le moindre besoin d’une distance critique face à son enfance. Malgré son rire moqueur, il prend toute sa jeunesse terriblement au sérieux, avec un sérieux que je n’ai rencontré chez personne d’autre. Il ne songe pas à relever des contradictions ou des rapports psychologiques, par exemple la relation entre son besoin religieux, fanatique, de vérité, après une période de mensonges effrénés, etc. Cela provient sans doute du fait que toutes ces phases sont encore vivaces en lui (il suffit d’entendre comme elles l’animent quand il les raconte). Ce qu’il y a de proprement génial chez un homme, ce n’est pas qu’il ait été génial dans sa jeunesse ou qu’il ait traversé les phases de son développement avec une grande intensité (cela est probablement le cas pour chacun, jusqu’à un certain point), mais que ces phases soient restées actuelles et subsistent, imbriquées les unes dans les autres, créant des résonances réciproques. L’adulte ordinaire les a refoulées, l’adulte génial les porte en lui, les approuve, et il devient créateur parce qu’elles continuent de résonner. L’enfance la plus géniale n’est pas celle qu’aurait vécu un être surdoué, mais celle qui reste un élément vivant, sonore, chez l’adulte, devenant ainsi l’enfance d’un homme génial. Cela vaut pour Jahnn, dans une mesure bouleversante. Il n’a rien oublié de son passé, tout est encore là, disponible — pour des fins supérieures, qui résultent justement de cette continuité. »
Walter Muschg, Entretiens avec Hans Henny Jahnn (1933)
« La seule chose qui importe, c'est le rythme de notre
enfance. Notre vie est là pour que nous nous affirmions dans ce rythme, et si,
plus tard, nous l'abandonnons, peu importe pour quelles raisons, alors nous
sommes jugés indignes. Nous ne pourrons pas redevenir des enfants au ciel. »
Hans Henny Jahnn, Pasteur Ephraïm Magnus (1917)
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